
En ce début de 1917, le moral suit le thermomètre — au plus bas. Sur le front, les routes sont gelées, les chevaux peinent à tenir debout, le vin se transforme en glace. En Allemagne, les transports sont paralysés par le gel des canaux. Les pommes de terre manquent, c’est «l’hiver des navets». Le climat social s’échauffe. Le premier mouvement de grève important apparaît en janvier à Paris. Le ministre de l’Armement, le socialiste Albert Thomas, intervient pour qu’un salaire minimal et une procédure d’arbitrage soient mis en place. Les grèves reprennent cependant au mois de mai. Des grèves éclatent aussi en Russie, en Allemagne en mars et avril, plus tard en Italie.
En Autriche-Hongrie, les difficultés économiques sont grandes, mais la population supporte ce que les historiens autrichiens appelleront la «tragédie de l’épuisement», qui touche toute l’Europe. Le blocus allié est trop gênant. Après le non-recevoir général de la proposition de paix, l’Allemagne reprend le 31 janvier la guerre sous-marine, suspendue en 1915 après le torpillage du paquebot britannique «Lusitania». Pour raccourcir leur front, les Allemands évacuent à partir du 9 février la plus grande partie du département de la Somme.
Offensive tardive
En mars, la révolution russe se traduit par l’abdication du tsar Nicolas II le 15, et par la constitution du soviet de Petrograd. Aux États-Unis, le discours du président Wilson le 2 avril au Congrès est suivi de vote de l’entrée en guerre le 6 avril, puis de la signature de l’accord le 14 mai. Le service militaire obligatoire est, lui, décidé le 18 mai.
En France, Robert Nivelle, commandant en chef depuis le 13 décembre, reprend et modifie le plan Joffre qui prévoyait d’attaquer dès le 1er février, de Craonne à Reims, pour déborder de part et d’autre le relief de la région du Chemin des Dames, situé au centre et considéré comme inabordable. Nivelle tarde à engager les combats. Une offensive britannique de diversion commence le 9 avril dans la région d’Arras. En avril, des attaques ont lieu sur les monts de Champagne. L’offensive principale est déclenchée le 16 avril, centrée sur le Chemin des Dames, contrairement au plan précédent. Une victoire complète est espérée «dans les 24, voire 48 heures» selon Nivelle. Afin de ménager la surprise, qui doit venir des chars, la préparation d’artillerie a été courte.
Les premiers chars décimés
Les chars d’assaut français sont engagés pour la première fois le 16 avril à Berry-au-Bac. Ces chars sont encore très lents, peu maniables et vulnérables. Des sapeurs du génie les accompagnent pour faciliter leur passage. Dans cette mission, le sous-lieutenant Labille (Ch. 06) du 11e RG perd la vie. Quelques chars arrivent à franchir plusieurs lignes ennemies et restent isolés. Lors d’une tentative d’observation de l’endroit où les tanks sont arrêtés, le sous-lieutenant observateur Bekkers (An. 11) est tué en descendant à moins de 1 000 mètres d’altitude sur son biplan au-dessus des lignes ennemies. Près de 60 % des chars engagés sont détruits avec leur équipage. C’est la difficile naissance de l’arme blindée française.
Il apparaît rapidement que la percée est impossible. Dès le 17 avril, un premier incident collectif d’indiscipline a lieu et des mutineries se développent en mai et juin dans plusieurs divisions, principalement entre Soissons et Reims où des régiments sont revenus du front avec 70 % de pertes.
En deux semaines, jusqu’au 30 avril, la France perd 147 000 combattants — 40 000 d’entre eux meurent. Le 15 mai, le général Nivelle est remplacé par le général Pétain. Sur le front, personne ne voit qui peut continuer la guerre et la déception est à la hauteur des espoirs suscités par la dernière offensive. Cette crise militaire n’est qu’un des aspects des crises qui secouent tous les pays en guerre.
Les dates clés8 janvier 31 janvier 8 au 15 mars 20 mars 2 avril-14 mai 9 avril-20 mai 16 avril 15 mai 13 juin 28 juin |