1918 : Le dénouement

Neuvième volet de notre série commémorant la guerre de 14-18 (1). Au second semestre 1918, l’usage massif dans les combats des chars et de l’aviation, ainsi que le concours des troupes alliées changent la physionomie du conflit. La grande offensive du 8 août en Picardie marque un tournant : le début du repli pour l’armée allemande. La victoire choisit enfin son camp.

(1) Soit 101 + 2 dont le mois de décès n’est pas précisé. 18 ont été tués dans l’Aisne, 15 dans la Marne, 7 dans l’Oise et 6 dans la Somme ; 44 autres ont été tués dans 30 départements (entre le Nord et la Méditerranée) ; 1 a péri en mer (sur navire torpillé) ; 6 sont morts à l’Armée d’Orient, 3 en Belgique et 3 dans d’autres pays. Ces chiffres comprennent 15 aviateurs (14,5 %).

Juillet 1918 : personne n’entrevoit la fin du conflit avant 1919. Les hommes du corps expéditionnaire américain, qui débarquent maintenant en masse sur le sol français(2), bâtissent les infrastructures nécessaires au ravitaillement. Ils s’attellent notamment à la construction d’entrepôts frigorifiques à Bassens, près de Bordeaux (Gironde), l’une des principales entrées portuaires des renforts en hommes, chevaux et matériels en provenance des États-Unis. Le général Foch prépare, lui, une offensive sur le flanc ouest de la poche de Château-Thierry gagnée en juin par les Allemands, mais c’est le général Ludendorff qui attaque le premier le 15 juillet. En direction de Reims, l’offensive est stoppée sur la 2e ligne, conformément aux plans du général Pétain, mais elle progresse vers le sud jusqu’à franchir la Marne.

L’ennemi repoussé

Le 18 juillet, la contre-offensive préparée par les généraux Mangin et Degoutte débouche de la forêt de Villers-Cotterêts avec 13 divisions françaises, 3 américaines et 500 chars qui sèment la panique. Les Allemands se replient. Leur opération «Friedensturn» («assaut pour la paix») est un échec. C’est la deuxième victoire de la Marne et la première défaite allemande de 1918. Le 8 août, le général Foch lance une offensive franco-britannique sur la poche gagnée en Picardie par les Allemands au mois de mars. D’Albert à Moreuil, les Britanniques, forts de 530 chars, gagnent 22 km. De Montdidier à Noyon, les Français progressent de 14 km en deux jours et reprennent Montdidier. C’est «le jour de deuil de l’armée allemande» : 30 000 soldats allemands sont faits prisonniers. Le 20 août, les Français attaquent Noyon et Soissons. Les chars sèment encore la panique.

La signature, le 27 août, de l’accord germano-soviétique permettant le retrait de troupes à l’est ne changera pas la donne. Le 12 septembre, les Américains et un régiment français d’artillerie lourde accompagnés de 300 chars réduisent un autre saillant, à Saint-Mihiel (Meuse) : 15 000 soldats allemands sont faits prisonniers.

Armistices en cascade

Sur le front oriental, le général Franchet d’Esperey vient d’arriver et dispose d’une armée de 670 000 hommes composée de 8 divisions françaises, 6 serbes, 4 britanniques, 1 italienne et 9 grecques. Le 14 septembre, deux divisions françaises prennent Dobro Polje (Bulgarie) moyennant de lourdes pertes. Les Serbes leur présentent les armes avant de poursuivre l’offensive. Le 29 septembre, la cavalerie du général Jouinot-Gambetta s’empare d’Uskub (Skolpj) après une chevauchée de 130 km. Le 30 septembre, la Bulgarie signe l’armistice. L’Autriche-Hongrie peut maintenant être attaquée par le sud et le territoire roumain est à la portée des Alliés.

Pendant ce temps, sur le front occidental, les Alliés poursuivent leur avancée. La grande offensive en Lorraine a épuisé les forces allemandes. La défaite étant à ce stade inéluctable, Guillaume II nomme Max de Bade chancelier avec mission de demander la paix au président américain Thomas Woodrow Wilson. La première note est envoyée dans la nuit du 3 au 4 octobre à l’ambassade américaine en Suisse sur la base du programme exposé au Congrès le 8 janvier 1918.

Alors que l’épidémie de grippe espagnole atteint son sommet en France, en Italie, les Alliés battent les troupes austro-hongroises à Vittorio-Veneto. Le 31 octobre, l’armée ottomane signe l’armistice dans la rade de Moudros avec le commandement britannique. Le 3 novembre, c’est au tour de l’Autriche-Hongrie à Villa-Giusti.

En Europe, alors que les Alliés discutent encore des modalités de l’armistice avec l’Allemagne, la révolution gronde. Après une mutinerie des marins à Kiel et une grève générale, elle atteint Berlin. Le 9 novembre, la république est proclamée. Deux jours plus tard, à Rethondes, l’armistice entre l’Allemagne et les Alliés est signé. Meurtrie par quatre années de guerre, la France peut enfin fêter la victoire. 

 

La France ravagée par quatre ans de guerre

Quatorze départements du nord et de l’est dévastés, plus de 3 millions d’hectares de terres arables impropres à l’agriculture car retournés par les impacts d’obus et durablement pollués, 5 000 km2 de forêts rasés, 24 villages entièrement rayés de la carte, 62 000 km de routes impraticables, 5 500 km de voies ferrées détruits, 2 000 km de canaux inutilisables, des milliers de ponts écroulés, 550 000 maisons démolies, 20 000 édifices publics touchés, dont la cathédrale de Reims bombardée et incendiée (notre photo), de très nombreuses mines et usines hors d’état de produire, les dégâts de ces quatre ans de conflits sont considérables.

La ville de Reims a subi un bombardement quasi continu du 3 septembre 1914 au 5 octobre 1918. Au total, ce sont près de 300 obus qui furent tirés sur la cathédrale, crevant les voûtes de la nef, mettant le feu aux charpentes et mutilant 70 statues. La destruction de ce symbole de la royauté française, lieu des sacres de 31 rois de France, a causé une forte vague d’émotion à travers la France. 

 

LES DATES CLÉS

15 juillet
Offensive allemande en Champagne.

17 juillet
Exécution de Nicolas II et de sa famille.

18 juillet
Début de la seconde bataille de la Marne.

8 août
Offensive alliée en Picardie.

18 septembre
Percée de la ligne Hindenburg.

26 septembre
Vaste offensive de l’armée française en Lorraine.

24 octobre
Offensive italienne victorieuse à Vittorio-Veneto.

26 octobre
Démission du général en chef Ludendorff.

3 novembre
Signature de l’armistice de Villa Gusti par l’Autriche-Hongrie.

9 novembre
Abdication de Guillaume II, fin de l’Empire allemand.

11 novembre
Signature de l’armistice à Rethondes entre l’Allemagne et les Alliés.

11 novembre
Abdication du roi Charles 1er d’Autriche, fin de l’empire autrichien.

(1) Lire les articles précédents dans AMMag de novembre 2014, p. 48 ; d’avril 2015, p. 50 ; de novembre 2015, p. 50 ; d’avril 2016, p. 54 ; de novembre 2016, p. 56 ; d’avril 2017, p. 56 ; de novembre 2017, p. 56 ; et d’avril 2018, p. 66.

(2) Après l’entrée en guerre des États-Unis en juin 1917, l’arrivée des troupes américaines en France s’intensifie au cours de l’été 1918, atteignant jusqu’à 240 000 hommes par mois.