
Lors de la Première Guerre mondiale, les promotions 12 (entrées en 1912, supposées être diplômées en 1915) n’ont pu terminer leurs études avant le début des hostilités, en août 1914. Les élèves, entrés à 17 ans, mobilisés à 19 ans, ne suivent que les deux premières années avant de rejoindre le front. Ces promotions devront attendre l’armistice, puis la démobilisation, pour retrouver le chemin de leur École et suivre une troisième année raccourcie de mars à août 1919. C’est-à-dire sept ans après leur entrée à l’École. Ils partagent alors leurs cours avec les promotions 16 (au cursus normal, puisqu’elles seront diplômées en 1919) et les promotions 12 démobilisées des autres Écoles.
Le tribut payé à la patrie par ces promos 12 est lourd : 104 sont morts pour la France, dont 20 pour le seul centre d’Angers, d’autres sont blessés et dans l’incapacité de reprendre leurs études, d’autres, enfin, sont valides mais traumatisés à vie. À Angers, seuls 61 élèves sur 102 sortiront en 1919 avec le brevet d’ingénieur.
Les élèves démobilisés et valides de différentes Écoles forment ces promotions 12-19 exceptionnelles : ainsi, à Angers, on compte 30 élèves de Châlons, 8 d’Aix, 58 de Lille et 34 de Cluny. Ce brassage est une quasi-première même si, à la création de la deuxième École, en décembre 1811, 60 élèves de Châlons avaient déjà été transférés à Beaupréau, en Maine-et-Loire (1).
Discuter, chanter, honorer
La reprise des études n’est pas simple après quatre ans de guerre. La vie à l’École n’est plus la même. Comme les atrocités, les privations demeurent dans les mémoires et, en attendant les récoltes à venir, le rationnement reste d’actualité. Repas fin de fin des études, le fin’s se devait d’être fin, copieux et bien arrosé — sans excès toutefois. Des mets inconnus de ces jeunes gens composaient ce menu de fête. Après le potage velouté et le poisson mayonnaise, sont servis la noix de veau aux champignons accompagnés de petits pois à la fermière, puis le gigot de pré-salé aux flageolets. Après ces plats de résistance, la salade de saison, la frangipane et les gâteaux variés ainsi que les fruits suivis de la bombe glacée et du café terminent le repas. Le temps du service permet de discuter avec ses voisins, lancer un toast ou chanter, sans oublier les trop nombreux absents. Le banquet était l’occasion d’un moment de partage et de convivialité entre des hommes que la vie allait séparer.
Œuvre d’un seul, le menu complétait les souvenirs qu’allaient emporter les élèves d’une même promotion, agrémenté d’hommages écrits en toute fin du repas dans les vapeurs des liqueurs et les fumées des cigares. Des élèves d’Angers, mais aussi des Aix, Châlons ou Lille des promos 12 et 16 ont apporté leur contribution à ce menu de la délivrance en 1919 à Angers.
Fin’s d’adieu en 1919 à Angers
Un document de 320 x 250 mm sur papier fort, plié
(1) Lire aussi AMMag de novembre 2011, p. 47.