
Charles, Jean, Vincent Macé naît le 5 avril 1898 dans une famille modeste de Pau (de nos jours, Pyrénées-Atlantiques). La ville sera, au début du XXe siècle, un des berceaux de l’aviation. En 1908, les frères Wright, venus d’Amérique pour faire connaître leur aéroplane, le Flyer, se voient en effet accorder un terrain par le maire de Pau. Un hangar y est construit pour abriter l’avion. C’est là que, la même année, le 13 décembre, Paul Tissandier fonde l’Aéroclub du Béarn, que, le 3 février 1909, a lieu le premier vol d’un aéroplane en Béarn et qu’est créée ensuite la première école de pilotage au monde. Le jeune Charles Macé, élève brillant de l’école primaire supérieure professionnelle Saint-Cricq de Pau, rêve-t-il déjà d’être pilote ? Toujours est-il qu’il réussit à 16 ans le concours d’entrée à l’École nationale d’Arts et -Métiers d’Angers. Il y entre juste après que la guerre éclate, avec un an d’avance sur l’âge habituel des admissions à cette époque. Le 21 octobre 1915, le gadzarts de 17 ans (1,68 m, cheveux et yeux châtains) signe à la mairie de Pau son engagement volontaire pour la durée du conflit. Affecté au 23e régiment de Dragons, Charles Macé est incorporé dès le 25 octobre 1915. Sept mois plus tard, muté dans l’artillerie, il rejoint, le 11 juin 1916, le 53e régiment d’artillerie de campagne, engagé sur le front.

Combat sur terre puis dans les airs
Exposé aux bombardements dès qu’il est repéré par les observateurs ennemis, un régiment d’artillerie a pour mission d’utiliser au maximum la puissance de feu de ses batteries et avec le plus de précision possible, ce qui implique de savoir en permanence où aboutissent les tirs afin de procéder aux réglages qui permettront de garantir leur efficacité. Les ballons captifs sont pour cela une solution d’observation efficace. Mais, bientôt, l’aviation naissante va leur porter un coup fatal. Charles Macé y contribuera pour beaucoup.
Car le jeune homme est volontaire pour devenir pilote. Accepté en école le 20 mars 1917, il obtient son brevet de pilote le 14 mai 1917 et finit son apprentissage sur avion de chasse à l’école militaire d’aviation de Pau. Le 22 juillet 1917, il est muté au 2e groupe d’aviation et, en août, rejoint l’escadrille N90 — avec un «N» comme chasseurs Nieuport. Une fois équipée de Spad (1), le 22 avril 1918, celle-ci deviendra la SPA 90 jusqu’à sa dissolution, le 9 août 1919. Charles Macé va accumuler les exploits qui lui vaudront, grâce à 12 victoires homologuées, 7 citations à l’ordre de l’armée, la Médaille militaire et la croix de chevalier de la Légion d’honneur (2). Sur les deux premières victoires homologuées du 27 mars 1918, l’une fait l’objet d’une citation (celle du 24 avril 1918) pour avoir «habilement manœuvré et abattu en terre française» un biplan ennemi. Ce fait d’armes vaut au sergent Macé d’être promu adjudant. Les citations suivantes, du 9 mai et du 18 juin 1918, qui portent attribution de la Croix de guerre avec palmes, témoignent de sa vaillance comme de sa polyvalence au combat : «Pilote à l’escadrille, s’est signalé par trois bombardements à 200 m d’altitude sur des objectifs ennemis et par de nombreux combats poursuivis avec une remarquable ardeur. A contraint récemment un avion ennemi à atterrir désemparé dans ses lignes en le mitraillant jusqu’au sol.» Suivent la citation du 14 août 1918 («a contraint un biplan ennemi à atterrir dans nos lignes, près de Lunéville», 3e victoire homologuée) et celle du 15 septembre 1918 (4e victoire homologuée), qui concerne le premier de 8 ballons captifs abattus («a incendié un “drachen” ennemi»). Contrairement aux apparences, cette cible imposante, protégée par une haie de mitrailleuses et la DCA, est très difficile à atteindre. Ensuite, les victoires vont souvent par deux comme la 5e et la 6e, relevant de la citation du 22 septembre 1918 («a incendié un “drachen” à La Galerie et un autre à “Juvelézé”» [sic], à 3 min d’intervalle). La citation au «Journal officiel» (JO) du 28 février 1919 relatant l’attribution (prenant effet le 2 novembre 1918) de la Médaille militaire à Charles Macé montre encore une fois son degré d’engagement : «Macé Charles, adjudant au 53e régiment d’artillerie de campagne, pilote dont l’abnégation, l’audace et le désintéressement sont du plus bel exemple pour tous. Est rentré seize fois à son terrain avec un appareil et des vêtements criblés de balles. A déjà abattu deux avions et un “drachen”. A remporté, le 22 septembre 1918, deux nouvelles victoires en incendiant deux ballons d’observation ennemis. Quatre citations.»
![]() Confessions d’un tueur de drachenParmi les As de l’aviation, 8 ont pu contribuer à la victoire en abattant une centaine de ballons captifs ennemis en 1918. Ils s’appellent Maurice Bizot (7 ballons abattus), Charles Macé (8), Armand Pinsard et Jean Pezon (9 chacun), Jean-Paul Ambrogi (11), Maurice Boyau (22), Michel Coiffard (26) et Léon Bourjade (27). Ce dernier a survécu. Devenu missionnaire en Papouasie, il raconte : «Deux ans de séjour aux tranchées comme chef d’une section de crapouillots m’avaient laissé des drachen un souvenir si désagréable que le jour où je vis s’effondrer en flammes ma première victime, ce fut pour moi mieux qu’une victoire : une revanche.» Issu de l’école de voltige aérienne de Pau, Léon Bourjade est devenu l’As des chasseurs de «drachen» en plongeant en piqué de 3 000 à 300 mètres, de façon à rester hors d’atteinte de la DCA. «D’un coup, je plonge, je pique, je tombe droit sur ma proie. C’est une rude minute. Je sens de violents chocs dans ma poitrine, je n’entends plus mon moteur mais, seul, le sifflement de la chute… J’observe le compte-tours ? Oh ! Le régime de rupture. Vite, un coup sur la commande du moteur. L’altimètre descend, mais trop lentement à mon gré. Et la saucisse ? Elle est là, bien en dessous. J’approche. Elle grossit très vite… Sans viser, je tire sur le ventre décoré de sa croix noire, l’énorme peau absorbe ma gerbe à bout portant. Maintenant, demi-tour et à pleine sauce…» Sa tactique exige un cœur et des nerfs capables de résister aux secousses que provoquent ces piqués vertigineux. Bourjade, pourtant solide, en est épuisé et doit demeurer longtemps allongé entre ses sorties. M. V. |
L’un des six plus jeunes As de 14-18
Avec ses cinq victoires homologuées, Charles Macé entre dans le cercle fermé des As de la Première Guerre mondiale. La 7e victoire du 10 octobre 1918 (un 4e ballon abattu à «Géline», Meuse) a été homologuée mais sans citation, contrairement aux deux suivantes. La citation relative aux 8e et 9e victoires homologuées du 18 octobre 1918 («a incendié 2 drachen en 2 minutes» à «Omeray» et «Avrincourt» [sic]) et celle du 22 octobre 1918 pour les 10e et 11e victoires homologuées («a descendu, en flammes, 2 drachen ennemis» à Goin et Géline à 5 minutes d’intervalle) font de Macé un «tueur» redoutable de «drachen» (lire l’encadré ci-dessus). La citation avec communiqué au JO pour la 12e victoire homologuée du 28 octobre («a abattu un avion Hannover en flammes, au nord de Fère-Champenoise») complète son tableau de chasse. La dernière citation («a effectué une reconnaissance à 20 km dans les lignes ennemies et à très basse altitude en mitraillant les cantonnements») lui vaut l’attribution de la croix de chevalier de la Légion d’honneur (arrêté du 20 mai 1919 prenant effet le 31 mars 1919). Il n’a pas encore 21 ans ! Cela termine en apothéose sa carrière de pilote de chasse. Macé est qualifié de «sous-officier d’un grand courage et d’une haute valeur morale».
Classé 27e ex aequo sur 175 As français, il est le seul gadzarts de la liste et l’un des six plus jeunes, ceux de la classe 1918, nés en 1898, qui ont totalisé à eux seuls 67 victoires homologuées (3). En 1919, la classe 1918 n’étant pas démobilisée, l’escadrille SPA 90 continue à s’entraîner à Haguenau (Bas-Rhin). Après un virage à très basse altitude, Macé s’écrase au sol le 7 juin 1919 et meurt en service aérien commandé, à 21 ans, sans avoir eu la possibilité de reprendre ses études. L’As gadzarts est enterré au cimetière de Pau. L’aéroclub ainsi qu’une rue de Pau portent son nom.
(1) Lire l’article sur Louis Béchereau (An. 1896) dans AMMag d’avril 2003.
(2) Registres matricule, site www.as14-18.net et Livre d’or 14-18 Arts et Métiers.
(3) Les cinq autres jeunes As sont Pierre Marinovitch, Jean Bozon-Verduraz,
Pierre Ducornet, Jean Pezon et Paul Santelli.