Henri Chenais (An. 26), un marin français libre

Rescapé, en 1940, du naufrage du sous-marin «Ajax», engagé aux côtés du général de Gaulle, Henri Chenais (An. 26) a organisé les services techniques de la Marine de la France libre. Pendant la guerre, la Marine a exploité ses qualités d’ingénieur sur ses bases d’outre-mer. Il a orchestré, entre 1967 et 1968, la fusion entre le corps des officiers de Marine et le corps des ingénieurs mécaniciens.

Henri Chenais naît en 1908 en Bretagne (1). Une fois son diplôme d’ingénieur obtenu à Angers, il intègre l’École navale, corps des ingénieurs mécaniciens, en 1929. Deux ans plus tard, à 23 ans, il en sort ingénieur mécanicien de 3e classe et sa carrière débute sur le «Béarn», un ancien cargo marchand transformé en porte-aéronefs. Il poursuit son expérience maritime sur divers bâtiments de surface : le croiseur «Dupleix», le torpilleur «Bourrasque» ou le contre-torpilleur «Épervier». Il gagne du galon.
En 1935, il épouse, Madeleine Lorin, la fille d’un industriel d’Ille-et-Vilaine. Le couple aura quatre enfants : Roselyne (diplômée du Haut Enseignement commercial pour les jeunes filles, HECJF, enseignante), Alain (Ai. 57, officier de marine), Hervé (décédé à Madagascar) et Jean-François (architecte). Deux ans plus tard, Henri Chenais perfectionne sa connaissance du métier à l’École des mécaniciens de Lorient.

Aux côtés du Général

Le parcours de plus de six mois qui mena Henri Chenais de l’état de prisonnier des Britanniques [lire l’encadré p. 59] au cabinet londonien du général de Gaulle fut parsemé d’embûches de différentes natures (2). Engagé officiellement dans les forces navales françaises libres (FNFL) le 15 avril 1941, Henri Chenais assumera la responsabilité de l’organisation des services techniques de la Marine de la France libre, rattachée à Georges Thierry d’Argenlieu. Au -printemps 1941, Londres vit au rythme des bombardements nocturnes et Henri Chenais prend part au service civique de nuit. En février 1942, il échappe au désastre du «Surcouf», coulé par erreur par l’aviation américaine dans la mer des Antilles.
Après un bref séjour sur la base de Dundee (Écosse), il revient en août 1942 à Londres pour préparer la mission de renflouement du sous-marin «Bévéziers» et du croiseur «D’Entrecasteaux», tus deux coulés dans la rade de Diégo-Suarez (aujourd’hui Antsiranana, à Madagascar). Il commande cette base française sous autorité britannique. Cette mission le conduit notamment en Afrique du Sud, où il convainc un camarade gadzarts de rallier les FNFL. Fin 1943, il retrouve la mer sur le contre-torpilleur «Le Triomphant». Une fois réparés les dégâts causés par un cyclone à Madagascar, Henri Chenais accompagne ce navire en avril 1944 à Alger, puis aux États-Unis (3), pour une refonte de son armement. De retour à Toulon avec «le Triomphant», Henri Chenais embarque sur le cuirassé «Richelieu» en partance pour Colombo (Ceylan, colonie britannique devenue Sri Lanka). Avec la British Eastern Fleet (la «flotte d’Orient» de la Royal Navy), le «Richelieu» participe aux dernières batailles contre les Japonais. Henri Chenais y côtoie lord Louis Mountbatten.
En août 1945, Henri Chenais est débarqué à Madagascar. Désormais, il poursuivra sa carrière à terre. Sa vie de famille reprend. Alain, 7 ans, découvre enfin son père — l’enfant n’avait que 2 ans en 1940 quand celui-ci est parti. Les affectations se succèdent : Brest, Paris, Oran (Algérie) en 1958. De 1962 à 1968, Henri Chenais est chef du service technique des machines, donc chef du corps des ingénieurs mécaniciens (devenu corps des officiers de Marine branche technique). Il gravit encore les échelons : ingénieur mécanicien en chef de 2e classe en 1945, il accède à la 1re classe en 1950, puis au rang d’ingénieur mécanicien général en 1958. C’est le premier grade d’amiral — Henri Chenais n’a pas encore fêté ses 50 ans. Il finit par accéder au grade de vice-amiral en 1966, deux ans avant de se retirer du service actif.

Au printemps 1941, à Londres, réunis pour fêter la revue de l’association «Sao Breiz» («Debout Bretagne») regroupant les Bretons des Forces françaises libres, le général de Gaulle est notamment entouré d’André Pleven, de l’amiral Émile Muselier et de Henri Chenais (de face à gauche). Photo : DR


Gadzarts engagé

Parallèlement, Henri Chenais se met au service du monde associatif. Il devient notamment membre du comité et vice-président de la Société des ingénieurs Arts et Métiers (1953-1955), vice-président, puis président d’honneur de l’Association des Forces françaises libres de la Côte d’Émeraude, au nord de la Bretagne (1955-1958), cofondateur et trésorier de la Fondation Arts et Métiers (1978-1989).
Avec Michel-Claude Burin des Roziers, René Pleven, Émile Muselier, Étienne Schlumberger et d’autres grands noms de la Résistance, il restera proche du chef de la France libre. La reconnaissance de ses pairs et de l’État lui sera manifestée par divers titres et décorations : commandeur de l’Étoile d’Anjouan (ordre comorien devenu ordre de la France d’outre-mer et attribué pour services rendus à la France dans l’océan Indien), commandeur de la Légion d’honneur, croix du Combattant volontaire 1939-1945, grand-croix de l’ordre national du Mérite reçue des mains du général de Gaulle le 22 mars 1969.
Retiré dans sa Bretagne natale, en Ille-et-Vilaine, c’est là qu’il s’éteint, le 8 septembre 2000. Il est enterré à Antrain, localité où sa mémoire est fidèlement entretenue par sa famille et les habitants.

Naissance
Le 18 novembre 1908, à Messac (Ille-et-Vilaine).

Études
Septembre 1929 École navale, spécialité ingénieur mécanicien.
Décembre 1937 École des mécaniciens, Lorient.

Carrière
Octobre 1931 Ingénieur mécanicien de 3e classe.
Avril 1939 Officier mécanicien de 1re classe.
Juillet 1941 Ingénieur mécanicien principal.
Février 1958 Ingénieur mécanicien général de 2e classe.
1966 Vice-amiral.

Distinctions
1961 Commandeur de la Légion d’honneur.
1968 Croix du Combattant volontaire 1939-1945.
1969 Grand-croix de l’ordre national du Mérite.

Décès
Le 8 septembre 2000, à Antrain (Ille-et-Vilaine).

(1) Lire l’article paru dans AMMag de novembre 2000, sous la signature de Jean Carayon (Ai. 54) et Alain Chenais (Ai. 57).
(2) Il fut notamment considéré comme déserteur et ne touchera plus sa solde jusqu’en 1943.
(3) Il est reçu en héros par le maire de Boston qui lui remet les clés de la ville.