
AMMag – Coproduit par Trendeo, EDF, l’Institut de la réindustrialisation et Fives Group, le deuxième baromètre mondial des investissements industriels vient d’être publié. Comment le thème de l’usine du futur s’est-il imposé ?
Marc Aouston – En 2014, Arnaud Montebourg, ministre de l’Économie, du Redressement productif et du Numérique, lança trente-trois plans industriels. La transformation numérique n’en faisait pas partie. Sur les conseils d’industriels, il enrichit alors son programme d’un 34e plan, baptisé «usine du futur» dont il confia le pilotage à Frédéric Sanchez, président de Fives Group, et Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes. Chez Fives, nous étudiions déjà ce sujet et avions créé un groupe de réflexion. De là a germé l’idée d’un baromètre. Nous cherchions à évaluer comment, à travers le monde, se traduit l’usine du futur — définie selon six critères : numérisation, flexibilité, transition énergétique, protection de l’environnement, efforts sociaux et impact territorial. Nous avons noué un partenariat avec Trendeo, cabinet d’étude spécialisé dans l’industrie, EDF et l’Institut de la réindustrialisation. Et notre deuxième baromètre mondial des investissements industriels a paru le 19 juin.
AMMag – Quels sont les principaux enseignements de ce deuxième baromètre ?
M. A. – Les entreprises suivies ont un chiffre d’affaires d’au moins 30 millions de dollars et emploient plus de 60 salariés. Premier constat : quelque 45 d’entre elles ont investi dans l’un des six critères définissant l’usine du futur, soit une progression de 5 par rapport à 2016. Depuis cette date, on a identifié plus de 12 000 investissements cumulant plus de 5 800 milliards de dollars avec la création de près de 1,7 million d’emplois. Deuxièmement, la note (1) la plus élevée de l’intensité des investissements dans l’usine du futur par pays est faible : 2,19 sur 12 (voir tableau p. 14, NDLR). La réalité est peut-être meilleure. En effet, le baromètre s’appuie sur les déclarations des entreprises. Celles-ci orientent souvent le projecteur sur ce qu’elles cherchent à valoriser, sous-évaluant parfois d’autres critères. Autre explication : les entreprises européennes parlent moins des critères sociaux, imposés par la réglementation depuis fort longtemps. La flexibilité et les efforts sociaux sont les critères sur lesquels les industriels ont investi le plus à travers le monde.Troisième constat, les régions les plus engagées dans l’usine du futur sont l’Amérique du Nord, l’Europe et la Chine. On n’attendait pas l’Inde, qui a durci les réglementations relatives à l’environnement et au droit du travail. Par ailleurs, au sein des grands pays, comme la Chine et les États-Unis, qui se réindustrialisent, les disparités entre territoires sont importantes. Enfin, la Turquie, le Vietnam et l’Afrique du Sud sont à suivre.
Le quatrième point porte sur l’agroalimentaire, l’une des filières industrielles les plus engagées dans l’industrie du futur. Les logiques environnementales et les réglementations sanitaires y contribuent beaucoup. Par ailleurs, comme dans le secteur minier, les entreprises sont très concentrées, coopératives comprises. Elles ont donc les moyens d’investir dans des équipements de production performants, depuis la gestion de la parcelle — pour connaître la date précise de plantation ou le taux d’humidité avant arrosage — jusqu’à la transformation de l’alimentation et son emballage, en passant par l’entreposage des stocks et la logistique.
AMMag – Quelle est la position de la France ?
M. A. – Le score de la France est de 1,19, dans le deuxième tiers du classement européen. Mais la fourchette des notes ne s’étale que de 0,4 à 2,19 [voir ci-contre, NDLR]. En revanche, la France est la troisième Européenne par le nombre de projets relatifs à l’usine du futur (236), derrière le Royaume-Uni et la Russie. Notre pays attire également les investissements étrangers dirigés sur l’usine du futur puisqu’il est deuxième avec 145 projets, juste derrière la Russie.
Enfin, la France creuse l’écart en matière de recherche et développement, où elle est première. La qualité de nos ingénieurs et chercheurs, ainsi que le crédit d’impôt recherche sont particulièrement attrayants vus de l’étrange.
(1) Chacun des six critères est noté de 0 à 2. Le O signifie qu’il n’y a pas d’investissement, 1 que l’investissement est signalé et 2 qu’il est signalé et décrit précisément.La note d’une entreprise peut donc varier de 0 (aucun investissement dans aucun critère) à 12 (des investissements décrits précisément pour tous les crières).