Les données, un actif à valoriser

À titre individuel ou dans les environnements professionnels, les données ont une valeur aujourd’hui avérée. Pourtant, mesurer, gérer et développer cette valeur comme on le ferait avec n’importe quel actif reste une discipline balbutiante. Pourquoi l’exploitation des données est-elle devenue cruciale ? Quels sont les défis à relever ? Quelles approches et bonnes pratiques peuvent être mises en oeuvre ? Deux experts des données ont planché sur le sujet.

donnes

On nous le prédit depuis des années : avec l’explosion des données générées par nos activités et les technologies associées, le champ des possibles va devenir quasi illimité. Des rapports fourmillent d’exemples d’organisations qui ont su valoriser leurs données et en mesurer les bénéfices, que ce soit en revenus directs (augmentation des ventes, produits et services innovants…) ou en économies réalisées (performance financière et opérationnelle, réduction des risques…). Cette prise de conscience s’est accélérée ces dernières années avec la montée en maturité des technologies permettant de collecter massivement des données (IoT, réseaux sociaux…), de lever les contraintes de stockage (capacités liées au «big data») et de multiplier les possibilités d’analyse et d’exploitation (data science, intelligence artificielle…).

Tirer les leçons des premières expérimentations

Pourtant, ce sont surtout des explorations et des expérimentations qui ont été jusqu’à présent mises en oeuvre [c’est le syndrome du POC ou «proof of concept», NDLR], sans que se concrétisent forcément de réels bénéfices. Malgré les promesses des technologies («big data», «data lake», méthode de stockage des mégadonnées), leur manque de maturité et des approches trop tactiques ont limité leurs résultats. Cette phase d’exploration est cependant légitime tant le domaine est vaste, et tant l’impact de ces technologies sur les métiers et le système d’information des organisations est important.
Néanmoins, si l’on y regarde de plus près, force est de constater que nous entrons dans une seconde phase en matière de valorisation et de maîtrise des données. Les expérimentations ont amené leurs premiers lots d’enseignements, les directions générales prennent conscience de la valeur des données de leur entreprise et le rôle de «chief data officer» (directeur des données ou autre titre équivalent) se concrétise dans les organisations.

Favoriser les usages générant de la valeur

D’un côté, appréhender et concrétiser le potentiel des données de l’entreprise devient un véritable casse-tête pour les acteurs du «big data». Il faut, dans le même temps, répondre aux enjeux des métiers, s’assurer que la stratégie, l’organisation et les travaux vont dans le bon sens et suivre la valeur dans le temps.
De l’autre côté, les métiers, fortement ancrés dans leur réalité (clients, concurrence, écosystèmes…), ont très rapidement saisi les opportunités offertes. Ils élaborent un ensemble d’usages auxquels il faut apporter une réponse technique, en termes de faisabilité et de rapidité de mise en oeuvre. Pour y parvenir, il s’agit, comme à chaque fois, de se concentrer sur les résultats concrets que l’on peut apporter et trouver ainsi le bon équilibre entre la connaissance des données, leur maîtrise et la création d’usages concrétisant leur valeur.

Gérer les données comme un actif, c’est tout d’abord les maîtriser, c’est-à-dire les connaître (savoir comment elles ont été collectées, quand et dans quel contexte, ce qu’elles décrivent…), suivre et accroître leur qualité et leur fiabilité (en relevant les ambiguïtés, les doublons, les écarts avec la réalité…) et faciliter leur accessibilité (via la façon de les extraire, de les consulter).

Gérer les données comme un actif, c’est en développer la valeur. Ici, les métiers prennent toute leur place à travers les usages qui vont permettre de concrétiser leur potentiel : multiplier les usages et en diversifier la nature, favoriser ceux qui génèrent de la valeur ou réduisent les risques… Les sources de données deviennent un patrimoine qu’il faut connaître, maintenir, développer.

Adopter une approche «produit»

Pour tirer tout le parti des données, il y a lieu d’adopter une approche globale. Celle-ci doit être à la fois stratégique pour définir le cap, et s’appuyer sur les usages pour concrétiser la valeur. Cette approche implique une maîtrise des données, pour protéger son capital, et le développement d’une culture des data impliquant tous les acteurs.

Si les technologies et plateformes apportent certaines réponses, elles ne règlent pas tous les problèmes posés. Par exemple, en interne, les données sont trop souvent compartimentées (en silos). Or une grande part de leur valeur vient de leur partage entre les différentes entités de l’entreprise. Des capacités transverses permettent d’étendre la connaissance du patrimoine «data» à toute l’organisation. Le partage externe, au sein de son écosystème, favorise aussi l’association des compétences et des visions croisées pour une participation élargie à la chaîne de valeur. Il convient toutefois de garder à l’esprit que les réglementations centrées sur les données (le RGPD, par exemple) doivent être intégrées au plus tôt dans les réflexions et les usages.

Quid de la complexité et des coûts induits par une telle démarche ? Gérer les données comme un actif revient à adopter une approche «produit» : une source de données devient un produit avec un responsable et des versions qui concrétisent des bénéfices par métier. Cela va permettre de hiérarchiser les produits entre eux et d’organiser leurs versions en fonction de la valeur créée et des moyens disponibles. Cette approche permet de répondre aux contraintes et ambitions des organisations, quelle que soit leur taille. Nous en sommes convaincus : cette seconde phase de valorisation et de maîtrise des données est bel et bien là. Elle doit concrétiser le potentiel des données avec un prérequis indispensable : mesurer, de façon objective, l’état et la valeur de l’actif «données» pour identifier les actions permettant de le développer. C’est ce cadre qui a guidé l’élaboration d’une méthodologie de mesure et d’augmentation de la valeur des data.

 

ALBERT BENDAYAN

Spécialiste de la transformation data, Albert Bendayan accompagne les entreprises pour les aider à évoluer du «data management» vers la «data strategy» et à rapprocher les données des usages. Diplômé de l’ESI Supinfo, il cumule plus de vingt-cinq ans d’expérience dans le domaine du conseil, notamment chez SQL Tech, Cast, Renault ou encore chez Logica. Tout au long de sa carrière, Albert a particulièrement travaillé sur les sujets transverses d’architecture (urbanisation, médiation, référentiels…) avant de se spécialiser sur le domaine des données depuis plusieurs années. Directeur transformation data chez Rhapsodies Conseil depuis 2017, il est l’auteur des livres blancs «Libérez votre système d’information» et «Augmentez la valeur de vos données !» (lire l’encadré ci-contre).

VALENTIN DEFOUR (BO. 212)

Passionné par le sujet des données (data science, «machine learning», protection des données personnelles), il a fait ses armes de 2015 à 2018 au sein du cabinet Talan Consulting en qualité de «product owner» (responsable projet) puis de «data architect» (littéralement architecte des données) opérant auprès de clients comme SNCF et Renault. Il intègre ensuite Rhapsodies Conseil en 2018 en tant que consultant data. Son rôle : aider les entreprises à exploiter le plein potentiel de leurs données, le tout dans un cadre de gouvernance et de réglementation bien défini.