Les promesses de l’internet des objets

L’internet des objets offre de nouvelles perspectives de développement à l’industrie, au transport et à la logistique. Gains opérationnels et amélioration du service rendu au client en font partie, mais pas seulement. Bilan après la conférence du 12  mars à l’hôtel d’Iéna.

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Maison des Arts et Métiers, Paris 16e, 12 mars. Le groupe professionnel Arts et Métiers «supply chain» et achats tient la conférence qu’il a appelée «IoT et supply chain, état de l’art et perspectives» (Visionnez la conférence ci-dessous). Car l’internet des objets («Internet of Things» en anglais, abrégé en «IoT») est l’étape la plus récente de la révolution numérique. Avec la baisse du coût des nouvelles technologies, la vitesse grandissante des flux, l’optimisation des capteurs et la capacité croissante à analyser des masses de données, les usages émergent. Certains secteurs en profitent : industrie, transport de marchandises, BTP, agriculture ou urbanisme. «Le déploiement des capteurs favorise l’IoT, souligne Arnaud Tayac, responsable du développement de l’opérateur de télécoms Sigfox(1). Je ressens une certaine maturité des entreprises : le marché accélère.» L’internet des objets associe des capteurs autonomes peu énergivores, un réseau Low Power Wide Area(2) capable de transmettre des données sur de longues distances et une plateforme de stockage et d’analyse des données. L’ensemble élargit le champ des possibles. «La “supply chain” pourvoit déjà un grand nombre d’usages, rappelle Pierre-Fabrice Storino, consultant associé chez Argon Consulting, mais on ne mesure pas encore l’étendue des possibilités de l’IoT. Souvenez-vous, les modems 56 k n’annonçaient pas forcément Uber ou Airbnb.» Vingt milliards d’objets connectés devraient être opérationnels en 2020.

Une visibilité nouvelle

Pour les logisticiens, le manque de visibilité sur les flux opaques, impliquant des intervenants externes, rend difficile la planification, amoindrit la productivité et dégrade le service rendu au client. L’internet des objets leur rend de la visibilité en production, dans le transport de marchandises, le suivi d’équipements ou sur les stocks non gérés en direct. Il améliore, plus globalement, les performances des entreprises. La prise de décision s’appuie sur des données quantifiées, limitant les risques. Des capteurs bien placés permettent d’optimiser les processus, de connaître l’état des actifs, de mesurer les temps morts. La surveillance des réseaux d’eau et d’électricité, l’optimisation des tournées des éboueurs sont déjà pratiquées par les villes «intelligentes». La maintenance prédictive dans le bâtiment est aussi relativement avancée. Idem pour le suivi des équipements, tels que parc de rolls(3) dans la grande distribution ou d’outils dans l’automobile.

«Pour la transformation des entreprises, résume Arnaud Tayac (Sigfox), d’autres modèles d’affaires se développent, des services apparaissent et l’expérience utilisateur s’améliore.» La vague est aussi grossie par d’autres technologies en plein développement, mégadonnées et sciences des données en tête. «L’IoT peut être un moyen de faire le lien entre “blockchain” [chaîne de blocs, NDLR](4) et flux physique», ajoute le consultant Pierre-Fabrice Storino.

Le délai pour lancer une solution IoT varie : «Deux ou trois mois suffisent pour un projet simple avec un produit existant, estime le consultant. Mais dix mois peuvent être nécessaires s’il faut développer un traceur spécifique.» Les spécialistes conseillent avant tout de partir de l’usage, de bien mesurer la valeur ajoutée espérée et de s’assurer du retour sur investissement. «Chercher la rupture technologique est inutile», plaide Arnaud Tayac (Sigfox). Et un premier échec ne doit pas brider le désir de se lancer. Car il vaut mieux aller vite, quitte à faire évoluer la solution plus tard.

Autre impératif : choisir le niveau de technologie optimal. Les énormes capacités de stockage et de traitement des données peuvent donner la folie des grandeurs et faire oublier l’essentiel : la valeur réelle. Le client doit être pris en compte dès l’origine afin d’anticiper les éventuelles corrections à apporter sur le service rendu. Enfin, il est indispensable d’apprendre à travailler avec des start-up, à se repérer dans un système complexe et à gérer l’obsolescence d’une technologie en constante évolution. Une plateforme capable d’accepter dès le départ différents types de capteurs est conseillée.

La sécurité en question

La sécurité des données préoccupe à juste titre. Les spécialistes se montrent cependant rassurants, pointant des niveaux de sécurité adaptés : fort sur les plateformes de stockage de données, plus faible sur les capteurs qui n’envoient que quelques octets. Mais les pirates ont souvent de l’avance et les rançongiciels représentent une réelle menace pour les entreprises(5). L’argument derrière lequel se réfugiaient nombre d’entre elles — «mes données n’intéressent personne» — n’a plus lieu d’être, car ce ne sont plus les données qui ont de la valeur mais leur accès. La seule présence d’un capteur sur un conteneur indique la valeur de la marchandise.

Conférence “IoT et supply chain, état de l’art et perspectives” :

(1) Créé en 2009 à Toulouse, l’opérateur de télécoms Sigfox s’est spécialisé dans les réseaux de communication de l’internet des objets.
(2) Ce type de réseau émet et reçoit à bas débit (de 0,3 à 50 kbit/s) de très petites quantités d’information sur de longues distances (de 5 à 40 km en champ libre) via une bande passante étroite (868 MHz en Europe). S’il est configuré en émission seule, la batterie des objets communicants, frugaux, peut durer dix ans — d’où le nom «low power».
(3) Chariot à roulettes doté de grands montants métalliques, pour transporter la marchandise.
(4) Technologie de stockage et de transmission d’informations, fonctionnant sans organe central de contrôle ni tiers de confiance.
(5) Logiciel malveillant qui empêche les victimes d’accéder à leurs données et leur réclame une rançon («ransomware», en anglais).