«L’industrie continue à recruter», David Cousquer

Selon les données de l’Observatoire Trendeo de l’emploi et de l'investissement, publiées en octobre, l'embellie constatée depuis fin 2016 en matière de création d'emplois industriels se poursuit.

AMMag – L’Observatoire Trendeo de l’emploi et de l’investissement publie un baromètre des ouvertures-fermetures d’usines en France. Quel en est le bilan ?
David Cousquer – à la fin de l’année, ce bilan sera positif d’une vingtaine d’unités environ. Mais le solde cumulé depuis la crise de 2009 est négatif de 570 usines. Et les nouvelles usines ne ressemblent pas aux anciennes. Elles sont moins créatrices d’emplois et plus capitalistiques. Cela s’inscrit dans le cadre de l’usine du futur, plus automatisée. La crise de 2009 a touché différemment les secteurs industriels. Celui de l’automobile l’a été particulièrement mais, aujourd’hui, il recrée des emplois. En revanche, le secteur aéronautique est à contre-courant. Nous sommes aujourd’hui dans une phase de rationalisation où on observe une légère décrue des emplois. L’aéronautique a donc un cycle propre, déconnecté de la conjoncture nationale. Actuellement, on note aussi un regain du secteur de la chimie quand la pharmacie, elle, perd un peu de terrain. On le voit, la reprise dans l’industrie est globale, mais les dynamiques varient selon les secteurs. Enfin, nous voyons passer des projets dans des secteurs autrefois atones, notamment dans la métallurgie. Il y a cependant un petit bémol : l’amélioration que l’on constate vient plus d’une diminution des fermetures de sites que d’une augmentation des créations. Cela étant dit, la création ex-nihilo d’usines n’est pas nécessaire à la progression des emplois industriels. En effet, les grands sites, déjà existants, peuvent être enrichis par des extensions, notamment de nouvelles lignes de production. Le nombre d’usines en plus ou en moins est un indicateur, mais ce n’est pas le seul.

AMMag – Les emplois industriels bénéficient-ils de ce retournement ?
D. C. – Trendeo a commencé à recueillir des informations sur les emplois en 2009, au plus dur de la crise. Malgré différentes reprises économiques au cours de la dernière décennie, l’industrie a continué à perdre des emplois jusqu’à fin 2015-début 2016. Elle a commencé à en recréer vers la fin 2016 : + 3 186 en 2016 et + 19 588 en 2017. Originalité de la situation actuelle : alors que la création d’emploi connaît un léger tassement dans l’ensemble des secteurs d’activité, l’industrie, elle, continue à recruter. Aujourd’hui, c’est le deuxième secteur créateur net d’emplois derrière les technologies de l’information et de la communication, principalement le logiciel. 

AMMag – Quel est le profil des régions qui profitent le plus de ce regain d’investissement ?
D. C. – Nous avons une géographique qui s’inverse. Sur la période 2009-1016, ce sont principalement les régions anciennement industrialisées et liées à l’automobile qui ont le plus souffert de la crise, comme la Lorraine, le Nord-Pas-de-Calais, l’Île-de-France. Aujourd’hui, ce sont elles qui bénéficient de l’inversion de la tendance. Les régions liées à l’aéronautique, comme le Midi-Pyrénées et la Loire-Atlantique, en profitent moins. Ce qui fait qu’il y ait ou non de grands changements, c’est de perdre ou de gagner une filière. En 2009, nous avons failli perdre la filière automobile. Là, les conséquences géographiques auraient été catastrophiques. Aujourd’hui, elle regagne un peu le terrain perdu.

Enfin, il y a des filières émergentes, comme celles des drones ou des Led, mais elles sont encore trop marginales pour pouvoir bouleverser la géographie de l’emploi. (