Prédire ses coûts grâce aux données

Pour piloter une entreprise, mieux vaut prévoir. Or, le processus de prévision économique est souvent obscur et laborieux. Bonne nouvelle, ce n’est pas une fatalité. Selon le cabinet de conseil Inter Action Consultants et sa plateforme The Price Hub, il est possible d’exploiter ses données pour construire des outils au service d’une dynamique d’optimisation collective.

Les coûts de production de la plupart des entreprises industrielles dépendent à 70 %, voire à 80 % des coûts d’achat. L’enjeu est donc de prévoir le coût des pièces manufacturées avant même leur conception afin de s’assurer que le produit sera compétitif et l’équation économique viable. Dérouler le processus classique séquentiel qui consiste à spécifier, à concevoir, puis à développer dans le détail un produit avant d’en identifier le prix est contre-productif. En effet, cela conduit trop souvent à s’apercevoir que le produit est trop cher après le point de non-retour. La démarche adéquate est d’intégrer toutes les parties prenantes d’un projet et d’explorer ensemble, de manière rapide et itérative, différents scénarios afin de décider tant que la liberté de faire marche arrière est encore ouverte. Animer avec succès les différents acteurs de l’entreprise élargie, c’est-à-dire avec les prestataires et sous-traitants majeurs, nécessite d’avoir mis des outils et processus au service de l’intelligence collective.

Deux types d’outils

Les outils d’estimation des coûts («costing», en anglais) permettent à tous de comprendre et de s’approprier les liens entre choix et impact économique. De manière schématique, nous allons trouver deux grands types d’outils de détermination des coûts :

les outils analytiques reconstituent une gamme de fabrication et la valorisent. Ces outils sont particulièrement utiles quand la pièce est déjà définie, dans les phases de consultation et de négociation ;

les outils de «costing» prédictif proposent, à partir de données disponibles (design, performance, spécifications) et de modèles statistiques, une enveloppe de coûts au service d’un raisonnement itératif. Il s’agit de prévoir vite et assez juste pour animer une dynamique de convergence économique. Si, pour les outils analytiques, il est possible d’appliquer des modèles génériques, de type modèle d’injection plastique ou de fonderie-usinage, les seconds sont toujours des constructions sur mesure au plus près des spécificités de l’entreprise. Dès lors, quelle démarche adopter pour mettre un œuvre un outil d’estimation des prix ?

Une démarche en trois temps

Il faut construire des outils pédagogiques — intelligents et intelligibles. Quel plaisir quand les clients s’exclament : «C’est fou ce qu’on peut apprendre de nos propres données !» Car notre cerveau aime les images : une bonne représentation graphique vaut mieux qu’un long discours. Une démarche en trois temps, à répéter au besoin, sert à affiner les résultats :

identifier les données à rassembler ;

les collecter et les organiser ;

les exploiter, c’est-à-dire définir les liens entre inducteurs de coûts et prix eux-mêmes.

Si le scientifique des données sera peu utile dans l’étape 1, ses compétences seront en revanche un accélérateur des étapes 2 et 3. En effet, la collecte est devenue un enjeu majeur du fait de la multiplicité des systèmes d’informations, notamment via les progiciels de gestion intégrée (ERP, «Enterprise Resource Planning», en anglais) et de gestion du cycle de vie des produits (PLM, pour «Product Lifecycle Management»).

La phase d’organisation des données est généralement la plus longue. Il s’agit de les nettoyer pour, par exemple, prendre en compte un périmètre précis, de les normer ou de les restructurer afin de les rendre utilisables pour du calcul matriciel, plus performant. Durant la phase d’exploitation, il est souvent nécessaire de construire des données intermédiaires à prendre en compte dans les algorithmes d’apprentissage automatique(1), qui seront mis en œuvre plus tard. C’est ici que la rencontre entre le savoir des opérationnels, l’ADN recherché de l’outil, et les compétences des scientifiques des données permet d’aboutir plus vite aux algorithmes les plus performants.

Les six clés du succès 

Opter pour un outil de «costing» prédictif est une étape nécessaire, mais non suffisante pour assurer une nouvelle dynamique d’entreprise. Voici nos six recommandations.

1. Élaborer un cahier des charges (diagnostic des besoins et futurs usages de l’évaluation des coûts).

2. Intégrer assez tôt dans le déroulement du projet une étape de convergence économique.

3. Définir des attendus économiques aux points d’étape et nommer un chef d’orchestre en position d’arbitrer.

4. Concevoir des outils permettant de fédérer les intervenants.

5. Décloisonner l’entreprise pour favoriser le travail collaboratif.

6. Confier le métier de «costing» à une entité dédiée, si possible indépendante des métiers opérationnels.

Certains affirment que, demain, tout produira des données et que seuls ceux qui sauront s’en servir réussiront. Peut-être. Encore faudra-t-il savoir en extraire les informations pertinentes et, pour cela, rien ne vaut le travail collectif. Tout attendre d’un expert des données ou d’un outil préformaté maniant des algorithmes sophistiqués en délaissant la dimension d’appropriation des équipes est une erreur. C’est l’association des compétences des trois experts (coûts, métiers et données) qui donne du sens. Ensemble, on voit plus loin ! Le moment est idéal pour faire émerger une pratique plus ambitieuse et profitable de l’évaluation des coûts. Les industriels qui sauront la mettre en œuvre dans un esprit collaboratif s’octroieront un avantage concurrentiel durable.

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(1) «Machine learning», en anglais : processus de fonctionnement d’une intelligence artificielle dotée d’un système d’apprentissage autonome.