Un nouveau matériau à eplorer

Le labo Mechanics, Surfaces and Materials Processing (MSMP) du campus Arts et Métiers d’Aix-en-Provence et la société Géocorail sont en passe de livrer les premiers résultats d’une étude menée dans le cadre d’un contrat de recherche porté par AMValor. L’enjeu ? Optimiser les propriétés du Géocorail, un matériau destiné aux ouvrages maritimes, particulièrement adapté pour lutter contre l’érosion marine.

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Selon l’Institut français de l’environnement, un quart du littoral français de métropole recule du fait de l’érosion marine, soit 1 723 km de côtes sur un total de 7 124 km. Dans ce contexte, Géocorail apporte une solution naturelle de consolidation des ouvrages maritimes.
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Géocorail, un «béton marin» aujourd’hui caractérisé pour être intégré aux calculs de dimensionnement des ouvrages érigés pour lutter contre l’érosion du littoral.

L’entreprise Géocorail, créée fin 2012, a développé une technique de fabrication de «béton marin» par électrolyse destiné à consolider le littoral et les ouvrages maritimes endommagés par l’érosion marine. Si la technique est déjà utilisée, la société cherche aujourd’hui à optimiser le dimensionnement et les caractéristiques mécaniques du matériau produit. Celui-ci est synthétisé via des électrodes installées dans le milieu constitué de sédiments et d’eau de mer. La polarisation électrique entraîne la précipitation de minéraux calco-magnésiens, créant une matrice cimentaire dans laquelle s’enchâsse le spectre granulaire. L’eau, le sable et le ciment sont ainsi naturellement réunis par le procédé, qui aboutit à la formation d’un conglomérat rocheux solide.

DE L’IDÉE À LA MAÎTRISE DU PROCÉDÉ

L’intérêt de ce procédé a déjà été démontré sur des ouvrages pilotes du littoral de Charente-Maritime. Afin de mieux comprendre les phénomènes qui le gouvernent, la société s’est dotée en 2016 d’un laboratoire de R&D à Fos-sur-Mer pour réaliser des échantillons à paramètres contrôlés. L’objectif de l’étude actuelle est de déterminer les réglages qui permettront d’obtenir le meilleur compromis entre vitesse de croissance et résistance mécanique. Un plan d’expériences a été lancé en 2017, avec des caractérisations des éprouvettes formées à 6, 9 et 12 mois.

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Échantillon de Géocorail obtenu en laboratoire. L’objectif des tests conduits au MSMP est de permettre de trouver le meilleur compromis entre vitesse de croissance et résistance mécanique de ce matériau obtenu par électrolyse dans l’eau de mer. Un courant faible circule sur des grilles métalliques, permettant l’agrégat du calcium et des sédiments marins.

UN MATÉRIAU COMPLEXE À CARACTÉRISER

Dans le dispositif expérimental, la croissance du matériau est de l’ordre de quelques centimètres par an. Le matériau formé autour de l’électrode, dont la contribution mécanique n’est pas isolable, est fortement hétérogène en taille, composition et propriétés mécaniques. Les volumes d’échantillons étant trop petits pour subir les tests normalisés du génie civil, il a fallu bâtir un protocole spécifique.

IDENTIFICATION DES CRITÈRES ET TESTS

Le but est d’apporter des résultats discriminants liés aux paramètres (temps, granulométrie du sable, nature du courant électrique…) afin de connaître les meilleurs candidats en termes de taux de croissance et de résistance mécanique. L’objectif des tests mis en œuvre n’est pas de reproduire les contraintes réelles que le matériau subira au sein de l’ouvrage maritime, mais de qualifier le comportement mécanique dans des cas de sollicitations simples et reproductibles.

L’identification préliminaire de critères susceptibles de quantifier les propriétés mécaniques des échantillons a été conduite au labo Mechanics, Surfaces and Materials Processing (MSMP). L’essai de flexion sur l’échantillon constitué par le Geocorail autour de l’âme (tige centrale) en acier paraît judicieux car, pour un effort global (charge), le chargement local (contrainte mécanique longitudinale dans notre cas) en fonction de la profondeur évolue théoriquement d’une valeur nulle à cœur pour atteindre une valeur extrême en compression-traction à la surface de l’échantillon. Face à l’hétérogénéité des échantillons, trois critères d’analyse du mode de ruine (résistance) sont pris en compte (voir ci-contre les courbes d’effort lors du test de flexion). Le premier critère correspond à la force maximale (en valeur absolue) supportée par la structure dans son ensemble avant une variation très importante de la résistance mécanique du Géocorail et  un effrondrement brutal de l’agrégat autour de l’âme en acier  (1). Le deuxième critère traduit la force maximale (en valeur absolue) avant une diminution faible de la résistance mécanique associée à un effet d’endommagement moins brutal dû à une première fissuration détectée du Géocorail, la structure étant encore capable de résister (2). Le troisième critère est un mode de ruine en cascade traduisant des fissurations successives (3). D’autres essais de compression et de résilience (de type flexion par choc Charpy) sont envisagés par prélèvement de carotte si la croissance du matériau est suffisante. Pour tester la résistance à l’usure par frottement, des tests d’abrasion sont envisagés pour quantifier la réponse tribologique de l’agrégat.

Au laboratoire MSMP, la majorité des échantillons sont découpés au jet d’eau hyperbare (4 000 bars), puis caractérisés systématiquement en déterminant leur masse, taux de porosité, géométrie et propriétés mécaniques. Des éprouvettes en béton à granulométrie et dosage normalisés seront soumises au même protocole global, afin de dégager des éléments de comparaison.

À l’issue de cette campagne d’essais, les résultats permettront une extrapolation des conditions optimisées du processus d’élaboration du Géocorail, ceci avant validation «in situ» du modèle obtenu. La société sera alors en passe de remplir son objectif, en apportant à ses clients une connaissance approfondie du matériau qui pourra alors être intégré dans la modélisation, le calcul et la construction des ouvrages maritimes.

Trois critères d’analyse de résistance

Courbes d’effort (déplacement) lors du test de flexion sur le Géocorail
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Lors de l’essai qui impose le déplacement, la charge globale sur l’échantillon est mesurée en temps réel par le capteur de force. Trois types de courbes d’évolution de la charge en fonction du déplacement sont possibles. Elles traduisent un endommagement de l’agrégat total ou partiel.